Le goûter (à nouveau) menacé !

Le lundi : un quartier de pomme, le mardi : un yaourt à boire, le jeudi : des fruits secs, le vendredi : une barre de céréales.
Pour un certain nombre d’élèves, ces habitudes alimentaires prises chaque matinée d’école, à la pause de 10 heures, ne seront bientôt plus qu’un lointain souvenir.

À la rentrée, des parents ont appris qu’ils ne pouvaient désormais plus glisser un petit encas dans le cartable de leur enfant. La raison : un avis rendu en 2004 par l’AFSAA (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) stipulant que la collation matinale
« de par sa composition, son horaire, son caractère systématique et indifférencié, n’est pas justifiée et ne constitue pas une réponse adaptée à l’absence de petit-déjeuner » et favorise l’obésité « constatée depuis 30 ans chez les enfants d’âge scolaire en
France ». Autre constat : seuls 7%des enfants âgés de 3 à 5 ans arrivent en classe à jeun. Pour tous les autres, le goûter entraîne une multiplication inutile du nombre de prises alimentaires qui encourage le grignotage.

« Quand je la récupère, elle a mal au ventre »

Lequel avis a donné lieu à une circulaire préconisant la suppression du goûter dans les écoles maternelles et élémentaires et relayée par l’Éducation nationale auprès des directeurs qui ont, pour certains, décidé de l’appliquer dès cette rentrée. Ce qui suscite
l’incompréhension voire la colère de certains parents. « Ma fille de 3 ans et demi ne boit que du lait au cacao le matin, à 7 heures. Nous avons déjà essayé de la faire déjeuner avec ses grandes soeurs,mais rien n’y fait. Elle doit donc attendre jusqu’à midi pour
manger, c’est long pour des petits de cet âge. Quand je la récupère, elle a mal au ventre.

Un quartier de pomme en milieu de matinée suffirait », estime cette maman dont la petite fille est scolarisée à l’école La Farandole, à Drusenheim et qui précise que « les aînées n’ont jamais rencontré de problème d’obésité ». Aussi, cette maman regrette d’avoir été prévenue tardivement.
« N’étant pas au courant, je suis allée voir la maîtresse. Certains parents sont allés voir le maire, qui n’était pas au courant. Ce n’est que quelques jours après la rentrée que nous avons reçu un courrier de l’école indiquant pourquoi le goûter était supprimé. Il précise notamment que, outre le fait de suivre les directives ministérielles, cela permet de gagner du temps pour les apprentissages, voilà la vraie raison », s’indigne-t-elle, ajoutant que « des mamans ont fait circuler une pétition ».
Frédéric Skobel, papa d’Émilie, 4 ans, scolarisée à l’école de Gries, s’insurge  contre unemesure « imposée de façon radicale, sans concertation ». « Ma fille ne boit qu’un biberon le matin, à 7 heures et reste donc cinq heures sans manger. Le risque, c’est que les enfants se jettent sur la nourriture à midi. Quel est l’intérêt ? », s’interroge ce papa qui a bien essayé de glisser quelques céréales dans la veste de sa fille « mais on lui a interdit de les manger ».
Comme à Drusenheim, l’école de Gries propose aux enfants qui arrivent le ventre vide d’emporter leur petit-déjeuner et de le  consommer à l’école avant la fermeture des portes, à 8 h 15 et à condition de réserver (à Gries).

« Comment peut-on savoir la veille si l’enfant, qui n’avait pas faim à 7 h, aura faim à 8 h ? Qu’on laisse au moins la liberté de mettre  dans le sac de nos enfants un demi-abricot ou une barre de céréales sans emballage, ils auront au moins ça dans le ventre ! », implore-t-il.
Pas de consignes strictes Pour Franck Ardouin, inspecteur de la circonscription Strasbourg 7 (49 écoles des secteurs de l’Uffried,  de Bischwiller et de la Wantzenau) cette prise alimentaire est d’autant plus « aberrante » qu’avec les nouveaux rythmes scolaires, beaucoup d’enfants terminent une demi-heure plus tôt et se retrouvent à table à 11 h 45. »
« Certains parents n’insistent pas forcément pour que leur enfant prenne un petit-déjeuner et préfèrent se reposer sur l’école », ajoute-t-il.
Après un rappel des enjeux de santé public que représente l’éducation nutritionnelle à l’école par desmédecins et médecins nutritionnistes du rectorat et de l’ARS en juin dernier, Franck Ardouin a donc rappelé aux directeurs et directrices « le caractère non obligatoire et non systématique de la collation matinale », la directive ayant jusque-là été « plus ou moins appliquée ». Il insiste toutefois sur l’importance de « soigner la communication ». « Les réunions de rentrée avec les parents d’élèves et les conseils d’école du premier trimestre seront autant d’occasions d’expliquer lesmesures prises localement par chaque école », indique  l’inspecteur qui précise qu’il n’a pas donné de consignes strictes. « Les écoles gèrent cette question comme elles estiment devoir  et pouvoir le faire en fonction du contexte et de leurs contraintes. »
Pour l’instant, seules quelques écoles de la circonscription Strasbourg 7 sont concernées (Drusenheim, Bischwiller et Gries). Arlette Laugel, inspectrice de la circonscription Haguenau Nord, indique que « rien n’est encore engagé » dans sa circonscription et que la mesure fera l’objet d’un projet partagé avec les élus et d’un travail d’informations auprès des parents. Son collègue de  Haguenau Sud, Philippe Daney de Marcillac, précise que la circulaire est appliquée « au cas par cas, là où cela se justifie ». Plus d’écoles pourraient être concernées après les vacances de la Toussaint, une fois passés les conseils d’école.

Pour Alexandre Wahnert, vice-président 67 de l’Association des parents d’élèves de l’enseignement public d’Alsace (APEPA), une réflexion doit être engagée sur « la place du goûter à l’école. Comment le diminuer sans l’interdire ». « Toucher au goûter, c’est toucher à un moment éducatif, à un rituel. Les parents y sont attachés et en ont déjà assez avec les nouveaux rythmes, insiste-t-il. Le  problème avec cette circulaire, c’est qu’elle accuse le goûter de favoriser l’obésité alors qu’il constitue un moment pédagogique à part entière fait de partage et de convivialité. »

DNA du 26/09 ÉMILIE SKRZYPCZAK

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