Bernard Thomas répond aux détracteurs du régime local

M. Bernard Thomas, inspecteur général honoraire de l’Education nationale, répond ici à ses anciens collègues Gillig et Robillart qui, à la faveur de la récente Charte de la laïcité, ont pris position contre le statut scolaire local (DNA du 2 novembre).

« Pourquoi tant d’acharnement contre l’instruction religieuse dans nos écoles d’Alsace-Moselle ? Pourquoi cette intolérance et ce combat dérisoire ? L’intolérance d’abord. Des juristes plus compétents que moi – et qu’eux – rappelleront que la Constitution, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, un traité international ont plus de force que les interdits circonstanciels d’une charte ministérielle.

Je dénonce donc plus l’idéologie que le non-respect du droit. Nos censeurs ne tolèrent pas l’exception, la différence, le local. Pour eux l’ordre uniforme doit régner. Hors de la pensée unique et hexagonale, il n’y a pas de salut. Leurs semblables sont ceux qui ne tolèrent pas davantage le droit local, les corporations d’Alsace-Moselle, les langues régionales, l’école libre. Pas de différence, voilà le mot d’ordre. Moi j’aime la variété, la diversité, les autres. Je respecte les athées, les croyants et les agnostiques. Je suis ravi qu’il y ait, Dieu merci, une multitude de langues, de traditions, de peuples, qu’il y ait des blancs, des noirs et des jaunes, des grands et des petits, des hommes et des femmes.

Relisons Voltaire

A ce propos, je parie que très bientôt les fanatiques de l’uniformité décréteront, par une charte appropriée, que reconnaître une différence entre un homme et une femme est interdit. Finis le masculin et le féminin. Tout doit être neutre. Neutraliser, voilà la ligne.

Mais revenons à la religion. Nos croisés intolérants ont une conception négative de la laïcité. Etre laïque, ce serait effacer toute trace religieuse. Pour moi et pour la plupart des gens, la laïcité c’est le respect, la tolérance, l’ouverture d’esprit.

Quelque chose me dit que nos égalisateurs vigilants ont de la considération pour Voltaire ; moi aussi. Je les invite fraternellement à relire la Prière à Dieu du grand homme et à se rappeler cette recommandation : « Que toutes ces petites nuances qui distinguent les atomes appelés hommes ne soient pas des signaux de haine et de persécution ».

L’intolérance n’est pas seule en cause. Cette lutte acharnée contre la religion à l’école est déplacée et, pour tout dire, dérisoire. N’y aurait-il pas de préoccupation plus pressante ? La lutte contre l’enseignement religieux serait-elle l’action la plus urgente ? L’illettrisme croissant ne mériterait-il pas d’être combattu en priorité ? L’inégalité de réussite de nos écoliers n’est-elle pas le premier des scandales ?

Un combat d’arrière-garde
Faisons mieux pour l’instruction de nos enfants et pour élargir leur savoir, encourager la créativité, favoriser l’esprit d’entreprise.

Les jeunes générations de Hong Kong, de Finlande, du Canada et de tant d’autres pays acquièrent de plus en plus de connaissances, reçoivent une éducation éclairée et non sectaire, s’épanouissent et se préparent à inventer et conquérir le monde pendant que chez nous quelques-uns mènent des combats idéologiques d’arrière-garde.

J’ai l’honneur de connaître MM. Gillig et Robillart. Elle est profonde et sincère, mon estime pour leur long dévouement à l’éducation des enfants d’Alsace et à l’école publique. Mais leur aveuglement idéologique me surprend et me navre. Jouer aux petits pères Combes au XXIe siècle est pathétique.

En toute charité chrétienne, je m’autorise un conseil. A l’évidence, ils sont meurtris de n’être pas parvenus, en dépit de leur activisme infatigable, à éradiquer l’enseignement religieux de nos écoles d’Alsace-Moselle, plus de cent ans après les premières lois sur la laïcité. De grâce, qu’ils ne s’obstinent pas. Ils sombreraient dans l’amertume et un sentiment d’échec. Ce qu’à Dieu ne plaise. »

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