Bilinguisme : 60 sections paritaires de plus en 2014

Le recteur Jacques-Pierre Gougeon croit à la vertu du bilinguisme paritaire : la rentrée 2014 verra l’ouverture d’une soixantaine de classes ou sections, soit un peu plus que l’an dernier. Désormais, l’académie en comptera plus de 1 000.

– V ous êtes en Alsace depuis un peu plus de six mois. Dans quel état d’esprit êtes-vous ?

– Je suis passionné par la richesse du patrimoine, je sens l’histoire particulière, torturée parfois, de l’Alsace. Je savais qu’il y avait ici un rapport particulier à la langue – je suis germaniste –, mais je découvre sur place le côté émotionnel du débat. En gérant cela, on touche à autre chose qu’une ouverture de classe ou un recrutement d’enseignant, on est dans l’identité profonde. Mais je persiste et signe : je considère qu’une éducation bilingue paritaire est une vraie richesse.

– Vous aviez exprimé cela aux assises du bilinguisme : le constatera-t-on dès la rentrée ?

– Je vais ouvrir à la rentrée 2014 une soixantaine de classes ou de sections d’enseignement bilingue paritaire dans le premier degré. Pour la première fois, on dépassera donc dans l’académie les 1 000 classes ou sections. Cela fera un bond ! Mais c’est parce que je suis convaincu que c’est une force.

Je vais veiller à de vraies filières consolidées. Et je réfléchis aussi à pousser le bilinguisme dans l’enseignement professionnel, avec l’idée d’ouvrir un ou deux Abibac Pro, si possible, à la rentrée 2015. Par ailleurs, là où des promesses ont été faites par l’État puis mises en sommeil, on les réalisera.

Par exemple, à Seppois-le-Bas où il y a débat, si le chiffre d’une dizaine d’élèves se confirme, on ouvrira la classe de 6e bilingue.

– Vous avez cette marge de manœuvre ?

– Je constate qu’avec l’État déconcentré, un recteur a des marges de manœuvre. Ici, l’Éducation, y compris l’enseignement supérieur, c’est 60 % des dépenses de l’État, soit 1,7 milliard. Le recteur d’académie a plusieurs missions. Il est « patron » de 24 500 fonctionnaires. Il doit aussi veiller à être en adéquation avec les territoires et leur histoire, et ici, le fait régional est très affirmé. Je suis très sensible à la double culture d’ici.

– Quels sont vos contacts avec les élus ? Avez-vous été vu comme un envoyé du Premier ministre dont vous avez été conseiller spécial ?

– Personne ne me l’a dit, évidemment. J’imagine très bien que certains l’aient pensé. Mais je pense avoir une approche non partisane de la fonction. Je cherche l’intérêt général.

J’ai reçu tous les grands élus individuellement. C’est aussi mon rôle. Ils ont la légitimité de l’élection, moi celle du Conseil des ministres qui m’a nommé. Ici, le partenariat fonctionne bien entre les collectivités et l’État en matière d’éducation. Les élus sont très attachés à l’investissement dans la formation. C’est aussi lié à la double culture : la reconnaissance de l’État et l’importance du fait régional.

– Autre spécificité : la religion dans l’école. Comment vous situez-vous ?

– Le concordat et le statut scolaire local ont été protégés par le Conseil constitutionnel. C’est la loi, et cela ne me pose pas de problème, puisque c’est compatible avec la République. L’histoire religieuse de l’Alsace est une richesse et fait partie du patrimoine. Peut-être faut-il regarder de près la formulation en matière d’inscription au cours de religion, pour que ceux qui ne souhaitent pas que leur enfant y participe ne soient pas stigmatisés. Mais le cadre est fixé, les Alsaciens y sont attachés, et ce n’est pas incompatible avec l’esprit laïque de l’école.

– Vous parliez des enseignants. Certains s’interrogent, sont inquiets; quelques-uns sont réservés sur le bilinguisme ou la religion…

– Par rapport à d’autres ministères, l’Éducation nationale est choyée : on crée des postes. Mais les métiers d’enseignant ou de chef d’établissement sont devenus très difficiles. Beaucoup se donnent à fond, je l’ai constaté. Sur le bilinguisme, j’ai eu un débat avec des syndicats et des fédérations de parents. Je leur ai dit que c’était une richesse, que de nombreux emplois sont ici liés à la pratique de l’allemand, et que ce n’est pas parce que je favorise le bilinguisme franco-allemand que le reste est délaissé.

Jacques Fortier, publiée le 19/02/2014 à 05:00

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