Oui au bilinguisme effectif

« Je ne veux pas rajouter à la polémique sans fin sur l’enseignement bilingue français-allemand et sur l’usage du dialecte alsacien mais apporter un témoignage concret à ceux qui doutent.

Lorsque, au lendemain de la 2nde Guerre mondiale, il n’était “pas chic” de parler alsacien, j’avais sept ans et demi et ne parlais pas un mot de français, sortant du Kindergarten suivi de la Grundschule. Par la force des choses, je suis devenu un FLE (français langue étrangère) qui se sent parfaitement à l’aise dans cette langue “apprise” dans le seul cadre scolaire officiel. Le dialecte alsacien familial est bien resté mon “immersion linguistique” principale et ce malgré les vexations et parfois les punitions infligées aux petits Alsaciens traqués par quelques zélateurs bornés à courte vue.

Le dialecte et la courte période scolaire allemande ont été – indéniablement – les bases efficaces dans mon apprentissage de la langue de Goethe, faisant ainsi de moi un bilingue qui saura valoriser professionnellement cette qualité. Plus tard, ces mêmes bases m’ont été d’un grand secours pour la langue anglaise.

Ces mêmes bases ont été pour beaucoup d’Alsaciens la clé d’une embauche professionnelle facile en Suisse ou en Allemagne – jusqu’à 70 000 dans les meilleures années – mais l’inaptitude bilingue des nouvelles générations les en éloigne à présent alors que le Bade-Wurtemberg peine à satisfaire son économie florissante. Wissembourg connaît encore un taux de chômage autour de 6 %.

« Laissez-les parler dans leur jargon, pourvu qu’ils sabrent français »

Les ambitions économiques de la France dans un environnement international mondialisé extrêmement concurrentiel exigent d’avoir en main toutes les cartes. Une aisance certaine dans la langue des partenaires, dont l’Allemagne fait partie. Le bilinguisme effectif – et le trilinguisme à présent – sont un atout considérable. L’Alsace offre à cet égard un énorme potentiel à encourager et à développer face au monde germanique. Y renoncer, c’est donner un avantage à nos concurrents. Pire, agir en scorpion.

Et qu’on ne dise pas que le développement simultané de deux langues est un non-sens pédagogique. Je ne suis pas une exception et si oui, comment expliquer le trilinguisme institutionnel de nos voisins luxembourgeois ?

“Laissez-les parler dans leur jargon, pourvu qu’ils sabrent français”, prête-t-on à Napoléon. Kellermann, Kléber, Lefebvre, Rapp, Schramm et d’autres ne se le sont pas laissé dire, ils ont agi pour la grandeur de l’Empire sans compter. Le mot paraphrasé me paraît vrai encore aujourd’hui.

Je m’autorise à penser que des Régions fortes font une France forte. Qui restera républicaine, une et indivisible. »

Georges Bernard Krantz, Marlenheim DNA 23/12/2017

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