Pourquoi il faut laisser les enfants s’ennuyer pendant les vacances ?

  • Certains parents ont tendance à surcharger les emplois du temps de leurs enfants pendant les vacances, de peur qu’ils s’ennuient.
  • Au détriment de moments d’oisiveté qui sont pourtant essentiels à leur bon développement.
  • Car en apprenant à gérer l’ennui, les enfants développent créativité, autonomie et estime de soi.

10h : séance de devoirs de vacances ; 12h30 : déjeuner ; 14h : visite du château de Chambord ; 18h : cours de tennis… Pendant les vacances de la Toussaint, certains parents ont prévu pléthore d’activités pour leurs enfants, histoire de bien en profiter. Quitte à en organiser beaucoup trop et à ne pas les laisser souffler…

« Ce ne sont plus vraiment des vacances »

« Les parents ont peur que les enfants perdent le rythme qu’ils ont le reste de l’année et planifient beaucoup de sorties et d’activités. Mais si on remplit l’emploi du temps des enfants à fond pendant les vacances, ce ne sont plus vraiment des vacances. On ne les laisse pas ralentir et savourer le temps », observe Isabelle Pailleau, psychologue et coauteur de Vive les Zatypiques !.

Etty Buzyn**, psychologue et psychothérapeute spécialiste de la petite enfance abonde dans son sens : « dans une société qui valorise l’énergie et la suractivité, on a tendance à reproduire pendant les vacances ce que les enfants vivent le reste de l’année. Du coup, ils ont perdu l’habitude de s’ennuyer. Ils n’inventent plus de jeux et sont moins curieux », constate-t-elle.

Et leursurconsommation d’écrans en tout genre n’arrange pas les choses, comme le souligne Anne Lefebvre, psychologue et présidente de l’association Alerte : « ils sont en recherche de plaisirs immédiats et lorsqu’ils arrêtent, ils sont comme vidés, n’ont plus envie de rien faire et sont repliés sur eux-mêmes », observe-t-elle.

L’occasion de se créer un monde imaginaire

Et pourtant, selon les psychologues, il est nécessaire de laisser les enfants s’ennuyer en vacances. Car le désœuvrement a plus de vertus que l’on ne croit, explique Isabelle Pailleau : « des connexions neuronales se construisent lorsqu’on ne fait rien et qu’on laisse son esprit en jachère. C’est indispensable pour stimuler son imaginaire ». « Le mode neuronal par défaut s’active lorsque l’on ne reçoit pas de stimulations individuelles. Cela permet à l’enfant de se concentrer sur sa propre construction, de développer son introspection et son empathie », ajoute Anne Lefebvre.

Pour Etty Buzyn, les moments d’oisiveté permettent aussi à l’enfant de développer son autonomie : « Les parents ne peuvent pas être en permanence des animateurs de centres de loisirs pour leurs enfants. Il faut que ces derniers apprennent à déterminer seuls ce qu’ils ont envie de faire et comprennent par la même occasion, qu’ils peuvent se passer de béquille électronique », insiste Isabelle Pailleau.

Le désœuvrement favorise aussi l’inventivité, comme l’observe Etty Buzyn : « Grâce à ces moments d’ennui, l’enfant va décider lui-même ce qui l’intéresse et va développer ses capacités créatives. Il va s’inventer des histoires ou des jeux, se mettre à lire. Et même peut-être découvrir de nouvelles passions éphémères ou pas », poursuit-elle.

L’ennui renforce l’estime de soi

Reste que tous les enfants ne sont pas égaux face à leur capacité à transformer l’ennui positivement. « Ceux qui ont perdu l’habitude de ce dialogue avec eux-mêmes peuvent craindre ces moments de désœuvrement », signale Anne Lefebvre. D’où la nécessité parfois pour les parents de les aider à réenclencher leur capacité à s’occuper par eux-mêmes : « ils peuvent les guider dans un premier temps en mettant à leur disposition du matériel créatif, des jeux, des livres, des feuilles… Et une fois que l’enfant aura créé son espace imaginaire, il n’aura plus besoin d’eux », assure-t-elle.

Pour que les enfants apprécient à nouveau le plaisir de ne rien faire, il faut aussi que les adultes portent un regard bienveillant sur leur oisiveté, insiste Isabelle Pailleau : « Si un petit regarde la pluie tomber pendant une demi-heure, il faut le laisser faire, sans lui mettre de pression pour qu’il change d’activité », indique-t-elle.

Et en parvenant à transformer l’ennui, l’enfant y trouve une satisfaction personnelle, assure Etty Buzyn : « il découvre un espace de liberté qui n’est pas contrôlé par les parents, il apprivoise lasolitude. Ce qui renforce sa confiance en lui », poursuit-elle. Un avis partagé par Isabelle Pailleau : « en s’ennuyant, l’enfant va développer sa capacité à se contenter de lui-même, à avoir une vie intérieure riche, à devenir un bon compagnon pour lui. Et ça, c’est utile pour la vie entière », souligne la psychologue.

 

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