Le projet du rectorat d’expérimenter à la rentrée scolaire 2012-2013 un enseignement de huit heures en langue allemande – au lieu du système paritaire de douze heures en allemand, douze heures en français – dans certaines classes bilingues de cours préparatoires, ne convainc pas Daniel Morgen, l’ancien inspecteur en charge des enseignements régionaux qui a évalué l’expérience des 6 heures menée entre 1991 et 1994.
« C’est Jean-Paul de Gaudemar, recteur de l’académiede Strasbourg à l’époque, qui a lancé l’expérimentation des six heures d’allemand au primaire. Il voulait voir ce qui fonctionnerait le mieux », se souvient Daniel Morgen.
« Nous avons abandonné assez vite. C’était du bricolage »
On est en 1991 et l’introduction de 13 heures de langue régionale au Pays basque suscitait de la méfiance en Alsace, précise l’inspecteur de l’Éducation nationale.
Dans l’académie de Strasbourg, 1 800 élèves ont testé les six heures d’allemand à partir de 1991. L’enseignement comportait trois heures de langue allemande et trois heures d’activité en langue allemande.
« Ça s’est mis en place, là où les enseignants étaient volontaires, à tous les niveaux, de la grande section de maternelle au cours moyen 2, sous réserve qu’il y ait une continuité ». ajoute l’inspecteur. L’expérience s’est poursuivie pendant quatre années, les bilans d’étape se sont révélés décevants.
« Nous avons abandonné assez vite. C’était du bricolage. À partir de 1992, le rectorat a mis en place les premiers sites paritaires, 13 heures d’allemand, 13 heures de français », fait valoir Daniel Morgen.
« Pas de continuité, un déficit horaire »
Le système des six heures présentait plusieurs défauts, analyse le professionnel : « La continuité dans la classe supérieure faisait défaut. Il y avait un déficit horaire. Les six heures étaient rarement assurées. Dans les meilleurs cas, on arrivait à quatre heures. Enfin, l’allemand était utilisé pour travailler des disciplines réputées secondaires comme la musique et l’éducation physique, alors qu’il faut travailler en allemand dans des matières comme les sciences ou l’histoire-géographie, si on veut arriver à un bon volume horaire ».
« Le projet du recteur de passer de 12 heures à 8 heures », n’est pas souhaitable, estime l’inspecteur à la retraite, « on casse le système paritaire qui fonctionne plutôt bien à l’école primaire (19 812 élèves concernés) et au collège (3 655 jeunes). Huit heures, c’est un retour en arrière. Quand le budgétaire prime, je suis inquiet ».
Daniel Morgen estime qu’il est d’autant plus important de préserver les douze heures à l’école et au collège, que la voie bilingue ne se poursuit pas au lycée où l’Abibac se substitue à l’enseignement paritaire.
Daniel Morgen estime qu’à partir de la seconde, des séjours de quelques semaines en immersion constitueraient un bon complément à l’Abibac.
L’anglais en complément
L’ancien inspecteur qui se veut avant tout pragmatique, ajouterait bien une dose d’anglais dans le cursus bilingue, par exemple une discipline enseignée dans la langue de Shakespeare.
« Il ne faut pas opposer les deux langues, mais raisonner en terme de complémentarité ».
Daniel Morgen soulève le problème du recrutement : « Si on ajuste le développement du bilinguisme aux enseignants disponibles et capables, c’est mal parti. L’académie de Strasbourg dispose d’un vivier d’une trentaine de professeurs qui ont passé le concours de recrutement spécial langues régionales. C’est insuffisant pour maintenir l’enseignement paritaire. »
La solution ? Recruter des enseignants allemands sur des postes budgétaires français ou passer par des contractuels. « Dans tous les cas, le bon niveau en allemand de l’enseignant est un paramètre incontournable. Le principe, un enseignant, une langue, a lui aussi fait ses preuves ».
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par A.M, publié le 08/01/2012