Le gouvernement contre l’apprentissage à 14 ans

Le gouvernement a fait savoir qu’il s’opposait au retour de l’apprentissage à 14 ans. Mais la proposition de loi Estrosi donne une idée de l’avenir de l’enseignement professionnel en cas de retour de la droite au pouvoir.

Le retour à l’apprentissage à 14 ans « n’est pas la position du gouvernement et on voit les objections de fond à cette mesure », a fait savoir le gouvernement à l’AFP le 3 février. Cette mise au point fait suite à un article du Figaro qui affirmait que le premier ministre avait accueilli favorablement la proposition de C Estrosi de rétablir l’apprentissage à 14 ans.

Cette communication du gouvernement est appuyée par le rejet en commission de la proposition de loi déposée par C Estrosi. La Commission des affaires sociales a voter l’annulation des trois articles de la proposition de loi « favorisant le développement régional de l’apprentissage ».

Un enseignement professionnel qui ferme les lycées professionnels

Cette proposition de loi vaut la peine qu’on s’y arrête. Car elle donne une idée de ce que pourrait être l’avenir de l’enseignement professionnel en cas d’alternance au pouvoir en 2017. Si les objectifs de la droite pour l’Ecole semblent encore un peu flous, avec deux projets radicalement différents, le rétablissement de l’apprentissage à 14 ans est une constante des propositions de la droite depuis 2012.

L’article premier de la proposition de loi Estrosi réorganisait complètement l’enseignenemnt professionnel en le confiant totalement aux régions. « Je propose, à l’article 1er, que la région pilote l’ensemble de la formation professionnelle initiale et devienne l’interlocuteur unique de la filière », écrit C Estrosi. « Avec cet article, je souhaite permettre à la région de décider de la création de lycées professionnels en fonction des besoins identifiés sur son territoire, comme elle le fait déjà pour les centres de formation d’apprentis (CFA), à travers les conventions. Un amendement permettra ainsi à la région d’arrêter la carte régionale des formations professionnelles initiales sans que l’accord du recteur soit nécessaire. La région serait également chargée d’ouvrir et de fermer les sections de formation professionnelle initiale sous statut scolaire – compétence aujourd’hui dévolue aux autorités académiques. L’objectif est de rendre l’offre de formation mieux adaptée aux besoins économiques locaux en optimisant l’organisation et la carte des formations. Je souhaite à terme que les régions encouragent la fusion des CFA et des lycées professionnels afin de tendre vers la création de centres d’apprentissage professionnel régionaux, ce qui assurerait tout à la fois une meilleure lisibilité et des économies budgétaires substantielles. »

En clair, la proposition de loi vise la suppression des lycées professionnels qui seraient remplacé par des centres d’apprentissage. C’est une modification fondamentale de l’enseignement professionnel qui le donne aux régions et au patronat local.

L’apprentissage à 14 ans une voie de relégation

C’est dans ce cadre que se situe le rétablissement de l’apprentissage à 14 ans. « L’adolescent doit conserver son statut d’élève ; aussi tout apprentissage de quatorze à seize ans doit-il obligatoirement s’effectuer en alternance, afin que le jeune poursuive ses études tout en ayant un  pied dans le monde du travail. L’apprenti pourrait par exemple passer trois jours par semaine en entreprise et deux jours en classe. Le seul objectif que nous devons poursuivre, c’est la bonne orientation et la réussite de nos élèves. J’ai donc déposé un amendement de précision concernant le statut du jeune, qui doit pouvoir choisir dès quatorze ans une filière de réussite tout en restant dans un cadre juridique sécurisant », explique C Estrosi.

Concrètement cela rappelle els débats qui ont eu lieu avant 2012 et en 2013 lorsque V Peillon a fait supprimer le DIMA. Les élèves qui étaient orientés vers le DIMA (adopté dans une seule région avant 2013) avaient le plus souvent un niveau scolaire réel de fin de primaire. En les faisant entrer en apprentissage on réduit drastiquement l’enseignement général : ici 2 jours par semaine seulement. On les maintient donc dans un bagage scolaire tellement bas qu’ils n’ont aucune chance de décrocher un diplome, aucune possibilité de formation continue. L’apprentissage en dessous du bac est en régression rapide comme le montre une étude  de la Depp publiée le 2 février puis curieusement retirée le 3. C’est au niveau postbac que l’offre d’apprentissge augmente et que l’entrée en apprentissage se fait aujourd’hui. La proposition Estrosi est donc une voie de relégation à court et long terme très pénalisante pour le jeune.

En 2013 en même temps qu’il supprimait le DIMA le gouvernement maintenait les 4èmes et 3èmes pré professionnelles qui offrent un enseignement adapté aux élèves en difficulté scolaire dans le cadre du socle commun. Car la proposition Estrosi vise aussi à supprimer le socle. « L’apprentissage à 14 an c’est renoncer au socle commun pour les enfants des pauvres, seuls visés  » dit nettement JP Delahaye dans un tweet.

On mesure donc les enjeux sociaux et scolaires de la proposition de loi Estrosi. Le vote très clair de la Commission des affaires sociales, où la majorité l’emporte, écarte pour le moment le projet Estrosi. Mais le retour régulier de cette question dans les débats et dans le stextes montre aussi la détermination de l’opposition sur ce terrain.

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