Éducation Le bilinguisme en campagne

Nordhouse – Éducation Le bilinguisme en campagne

L’Éducation nationale n’a pas donné satisfaction aux parents qui demandaient d’ouvrir un enseignement bilingue franco-allemand à l’école de Nordhouse à la rentrée 2016, sur le modèle ersteinois.

Des classes bilingues ont ouvert à la rentrée 2015 à Erstein à l’école maternelle du Bruhly (photo)… pour les enfants ersteinois. PHOTO DNa

Il n’y aura pas de classe bilingue à la rentrée 2016 à Nordhouse. Ainsi en a décidé le rectorat, sollicité par une vingtaine de parents d’élèves de cette commune de 1 800 âmes. Ils demandaient l’ouverture d’un enseignement paritaire en français et en allemand dans la maternelle du village, sur le modèle de la filière bilingue depuis la rentrée dernière à Erstein.

« La réflexion continue »

« Nordhouse n’a pas été retenu pour la rentrée prochaine, mais la réflexion continue pour septembre 2017 », assure Véronique Weibel, la toute nouvelle inspectrice de circonscription d’Erstein, qui vient de récupérer ce dossier brûlant. « Les délais étaient trop courts et toutes les conditions n’étaient pas réunies. Il faut aussi que les maires des communes voisines soient consultés. Nordhouse n’est quand même pas très grand. Le bilinguisme est susceptible d’intéresser les parents alentour. »

Selon elle, le nombre d’enfants pressentis pour former une classe bilingue à Nordhouse n’atteignait pas « un chiffre raisonnable ». « Quand on ouvre une classe bilingue en maternelle, il faut prendre en compte la montée en charge (le passage des enfants dans le niveau supérieur) et la déperdition d’effectifs au fil des ans », certains enfants abandonnant le bilingue avant le collège.

Curieusement, l’APEPA (l’Association de parents d’élèves de l’école publique en Alsace, qui milite pour l’enseignement bilingue) a un raisonnement exactement inverse. « Les élèves bilingues de Nordhouse sont nécessaires à ceux d’Erstein pour constituer des effectifs suffisants au collège d’Erstein. Par expérience, il faut trois à quatre classes bilingues en maternelle pour stabiliser la filière jusqu’au collège », affirme Adélaïde Kientzi, déléguée de l’APEPA à Nordhouse. Qui accuse de « discrimination abusive » à la fois l’Éducation nationale et la ville d’Erstein – laquelle réserve sa maternelle bilingue aux seuls petits Ersteinois, sauf avec certaines dérogations.

C’est aussi pour répondre à la déception de parents déboutés à Erstein que le conseil municipal de Nordhouse a voté, dès septembre 2015, le lancement d’un audit sur l’enseignement bilingue à Nordhouse. « Nous voulions voir si le principe pouvait être pérennisé dans une petite commune comme la nôtre , précise le maire Claudine Herrmann. Nous avons déjà des classes à deux niveaux à l’école, si c’est pour avoir des classes monolingues à trois niveaux… » Pas franchement emballée par le concept, elle parle même de « harcèlement » de certains parents pro-bilingues.

Un député breton à la rescousse

L’audit a bien été mené par l’inspectrice de circonscription, en janvier-février. « Mais l’étude n’était pas terminée quand est tombée la décision de ne pas ouvrir de classe bilingue, s’agace Adélaïde Kientzi. Les parents n’avaient pas encore rendu leurs talons de pré-inscription ! » D’autant que, d’après elle, d’autres parents sont intéressés à Schaeffersheim, Hipsheim et Hindisheim.

Tout en étant consciente du problème récurrent de l’Éducation nationale – le manque de professeurs germanophones –, elle n’a pas hésité à écrire à la rectrice, à Philippe Richert, président du Grand Est, ou à solliciter le soutien… d’un député breton, Paul Molac. « Une personne très abordable, qui s’est montrée plein d’empathie », témoigne-t-elle. Chanteur trilingue (breton-fançais-gallo), connu pour ses prises de parole en breton à l’Assemblée nationale, Paul Molac a fait adopter un amendement sur l’enseignement des langues régionales dans le cadre de la loi NOTRe, promulguée en août 2015. « S’il n’y a pas d’enseignement public bilingue français-langue régionale dans votre commune X, vous pouvez scolariser votre enfant dans la commune Y voisine si elle offre cet enseignement. Dans ce cas, la commune Y est tenue d’inscrire votre enfant et peut demander le remboursement des frais de scolarité à la commune X », détaille l’élu du Morbihan.

Sur la foi de cet amendement, un parent d’élève de Nordhouse qui s’était vu refuser l’inscription de son fils en maternelle bilingue à Erstein avait déposé un recours en référé au tribunal administratif. Las ! C’était mal connaître le statut ambigu de la « langue régionale » d’Alsace. Le juge a estimé que l’allemand, la langue enseignée dans les classes paritaires, n’était pas la langue régionale de l’Alsace… mais l’alsacien. Une distinction que le député breton n’avait pas vu venir.

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