Fessée. Quelles alternatives pour les parents?

Jean-Luc Aubert, psychologue, spécialiste de l’enfant et de l’adolescent, rappelle que la fessée ne peut pas être un mode éducatif. Dialogue et confiance sont plus efficaces.

Tape sur les fesses ou grosse râclée, peut-on établir une hierarchie de la fessée ? Celle que l’on donne sous le coup de la peur, de l’agacement, de la fatigue et la fessée déculottée, humiliante, pour affirmer son autorité. Dans tous les cas, les pleurs et les fesses rougies de nos enfants nous rappellent immédiatement que ce geste n’est pas anodin.

Alors que la France devrait être condamnée mercredi pour ne pas avoir interdit les châtiments corporels, Jean-Luc Aubert, psychologue, spécialiste de l’enfant et de l’adolescent insiste sur le fait que la fessée ne peut en aucun cas être utilisée comme un mode éducatif. Il prône le dialogue et la confiance et rappelle que le « métier » de parent n’est pas simple.

La fessée a-t-elle des vertus pédagogiques ?

La fessée ne peut en aucun cas être un mode d’éducation. Elle induit et banalise un rapport de force violent, incompatible avec la notion de respect d’autrui. Avant mai 68, la question des châtiments corporels ne se posait pas. Ils semblaient moins choquants. La société, les parents ou les enseignants les employaient comme un moyen de soumission, d’obéissance. Après mai 68, on a basculé dans de moins en moins d’autoritarisme jusqu’à verser dans un certain laxisme. Depuis 3 ou 4 ans nous sommes revenus à une éducation plus bienveillante.

En tant que parent, on peut, sous le coup de la fatigue, de l’impatience être tenté de donner une fessée ? Est-ce grave ?

C’est ce que j’appelle la « fessée réactionnelle ». Quand on voit traverser son enfant sans regarder, grimper maladroitement sur une chaise, provoquer pour la énième fois. Elle intervient en réaction à une situation angoissante, stressante ou énervante. Elle est ponctuelle. On peut la comprendre même si elle ne doit pas être un mode de fonctionnement.

Il faut privilégier la confiance, l’explication ou la mise en perspective qui sont plus efficaces en matière d’éducation. Mais nous ne sommes pas des Superman et des Superwoman. Nous avons aussi nos faiblesses et nos fragilités.

Les violences verbales ne sont-elles pas aussi dévastatrices que les violences physiques ?

Elles impliquent des agressions psychiques pour l’enfant tout aussi graves et traumatisantes. C’est une façon de le disqualifier. On peut jouer sur la culpabilité de l’enfant en lui disant qu’il nous fait du mal ou de la peine.

Quelle serait la bonne attitude à adopter ?

La fessée est une punition pour quelque chose que l’on a transgressé ou que l’on a mal compris, mais elle n’aide pas l’enfant à comprendre. Deux élements me semblent importants : instaurer un climat de confiance avec son enfant et favoriser le dialogue au quotidien, y compris sur des choses banales. C’est ce qui permet de faire passer les règles. La parole et le calme en facilitent la compréhension. Avec de la tension et de l’énervement, le message ne passe pas.

Je propose la règle des « 3D » à soumettre aux enfants : Ne pas te mettre en Danger (en escaladant une chaise par exemple) ; ne pas mettre en Danger les autres et leurs biens (on ne pique pas le doudou du copain, en le cognant au passage) ; ne pas être un Despote familial (dans une famille, il y a des règles à respecter, chacun a des droits et des devoirs).

Quels conseils donner aux parents qui ne parviendraient pas à gérer leur autorité avec leur(s) enfant(s)?

On peut se tourner vers son médecin de famille dans un premier temps. Puis un psychologue ou un pédopsychiatre. L’enfant ne pourra évoluer que si son parent avance lui aussi. Les parents qui ont eu une enfance difficile ou qui ont été battus, reproduisent souvent le même rapport à la soumission ou font preuve d’un laxisme total.

La parole du thérapeute sert à trouver les mots justes, il peut expliquer à l’enfant que son parent n’est pas « méchant », mais qu’il a des difficultés lui aussi. C’est un travail commun. Etre parent, c’est un métier très difficile. Le fait que nos enfants soient confrontés à nos faiblesses les éduque aussi. Personne n’est tenu à la perfection.

Jean-Luc Aubert est l’auteur de Cet enfant qui n’écoute jamais, aux éditions Albin-Michel.

OUEST FRANCE

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