Enseignement bilingue : des enjeux à clarifier


Souvent interpellé par des parents d’élèves sur des problèmes de professeurs d’allemand absents et non remplacés, notamment dans le premier degré, le député Bruno Studer a décidé de rédiger un rapport sur le bilinguisme dans le cadre de l’évaluation des politiques publiques. « C’était en début d’année 2018, on commençait également à parler de l’avenir institutionnel de l’Alsace et de ses compétences dans les domaines économiques, touristiques… Il était important de travailler sur le bilinguisme », estime l’élu Bas-Rhinois qui est également président de la Commission des affaires culturelles et de l’Éducation.

Dans ce rapport de 42 pages intitulé « 8 propositions pour un enseignement bilingue ambitieux au service du territoire » – un rapport remis ce jeudi matin, au ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer et au ministre en charge de la concertation sur l’avenir institutionnel de l’Alsace Jacqueline Gourault – Bruno Studer rappelle tout d’abord le cadre de l’enseignement bilingue.

La question du bilinguisme français anglais

Le bilinguisme a été introduit en Alsace en 1991 par ABCM, et développé dans le public l’année suivante, sur la base de l’allemand définit comme une langue régionale, dans sa version écrite, en 1985 par le recteur Pierre Deyon. « L’Alsace est la seule région où la langue enseignée est aussi la langue d’un pays tiers », souligne le député avant d’évoquer le principe de base, un maître – une langue, où principe de Ronjat-Grammont datant de 1913, qui ne fait pas l’unanimité. « Les études réalisées ne permettent pas de démontrer l’efficacité de ce principe », lui ont indiqué plusieurs interlocuteurs.

De même, dans son rapport, le député consacre une page à l’expérimentation de l’enseignement bilingue progressif, avec huit heures d’allemand hebdomadaire, pour constater qu’au bout de cinq ans, l’évaluation menée à l’école Perreaux-Cazeaux de Soufflenheim « présente un bilan positif sur différents points ».

Voilà qui fera à nouveau bondir les ardents défenseurs du bilinguisme paritaire, le député en est bien conscient, mais son objectif est de clarifier les enjeux du bilinguisme, les enjeux identitaires, culturels, régionaux, professionnels, linguistiques…

« Les bénéfices d’un bilinguisme précoce sont maintenant admis. Le bilinguisme est une porte ouverte vers l’apprentissage de plus de langues, vers le trilinguisme », estime l’élu bas-rhinois qui n’a jamais caché dans ses discours que l’on peut aussi « se poser la question du bilinguisme avec l’anglais ». Des parents d’élèves n’attendent que cela, même si l’apprentissage de l’allemand en Alsace est l’évidence même. « Les enjeux sont majeurs en termes d’opportunités économiques », insiste le député.

Le problème majeur du manque de professeurs

Le manque de ressources humaines, d’enseignants d’allemand, est un frein au développement du bilinguisme, qui a pourtant connu une forte montée en puissance depuis 2007. Parmi les huit propositions de Bruno Studer, plusieurs concernent « un problème majeur clairement identifié » : celui du manque de ressources humaines.

Pour remédier à cette pénurie de professeurs d’allemand, le député suggère d’améliorer la formation des enseignants, qui est « qualifiée d’insuffisante pour les contractuels ». Mais aussi d’apporter plus de souplesse dans cet enseignement, ainsi sur le principe un maître – une langue, pour que le professeur n’ait plus qu’une classe à charge. Il souhaiterait également une augmentation du nombre d’étudiants en allemand à l’université « qui n’est pas partie prenante des conventions quadripartites et qui à ce titre ne participe pas aux échanges entre le rectorat et les collectivités sur le bon fonctionnement de l’enseignement bilingue », regrette l’élu.

Le député suggère également de recruter des professeurs d’allemand dans les régions germanophones de Pologne, de Tchéquie… avec le soutien de nos collectivités territoriales pour favoriser leur intégration en Alsace.

Quel est le ratio coût/efficacité de cette politique ?

Même si Bruno Studer n’a pas pu obtenir toutes les informations souhaitées de la part du rectorat, par exemple sur les demandes d’ouvertures de sites bilingues, le député ne veut pas en faire un bouc émissaire. « C’est facile de tout mettre sur le dos du rectorat, de lui reprocher de ne pas recruter assez de professeurs d’allemand. L’attractivité de l’allemand ce n’est pas que le rectorat. La formation des enseignants ce n’est pas que le rectorat ».

Cependant, l’élu Bas-Rhinois voudrait lever le flou qui entoure le bilinguisme. « Il ne semble pas y avoir eu d’évaluation globale de la politique d’enseignement bilingue ces dernières années ou de manière régulière, ni d’évaluation de ses résultats, du niveau atteint par les élèves ou du ratio coût/efficacité de cette politique », déplore Bruno Studer, qui reconnaît volontiers que le sujet est sensible. Mais le débat doit être ouvert.

c.dna.fr

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