Les élus investissent le débat et le préfet change les règles du jeu

Cinquante-cinq manifestants, allongés au sol, le visage recouvert de masques, autant que de postes supprimés dans les Rased et sur lesquelles l’inspectrice d’académie a refusé de revenir, hier, à Colmar. Photo Hervé Kielwasser
Cinquante-cinq manifestants, allongés au sol, le visage recouvert de masques, autant que de postes supprimés dans les Rased et sur lesquelles l’inspectrice d’académie a refusé de revenir, hier, à Colmar. Photo Hervé Kielwasser

Après la réunion des deux instances, qui devaient en décider hier, le bouclage des ouvertures et fermetures de classes va se jouer entre élus et administration. « Épique, du jamais vu ! », n’en revenait pas, hier soir, Carmen Tolle, secrétaire départementale du Sgen-CFDT, au sortir du Conseil départemental de l’Éducation nationale (CDEN), qui venait de se tenir à l’hôtel du Département, alors que, dehors, les manifestants battaient le pavé (voir encadré ci-dessous).

Le préfet du Haut-Rhin, qui coprésidait la réunion avec Dominique Dirrig, représentant le président du conseil général Charles Buttner, a, en effet, décidé, de manière totalement inédite aux dires de la syndicaliste ( «en 30 ans de CDEN, jamais vu ça ! »), de la création de commissions ad hoc, qui seront chargées de finaliser la carte scolaire du département, avec son cortège d’ouvertures et de fermetures de classes. Des commissions qui seront composées d’élus et de représentants de l’administration.

Que s’était-il passé ? Tout simplement que ce qui s’apparentait jusqu’ici, aux dires de beaucoup, à une chambre d’enregistrement des décisions prises lors de la commission paritaire du CTSD (anciennement CTPD), s’est soudain transformé en véritable tribune où se sont succédé des élus, particulièrement virulents à s’opposer à toute fermeture de classe !

Dans un premier temps, lors d’une réunion, qui avait commencé à 9 h, pour ne s’achever qu’en milieu d’après-midi, la directrice départementale des services de l’Éducation nationale Maryse Savouret avait âprement discuté avec les représentants de l’intersyndicale (Sgen-CFDT, FSU, Unsa), autour de son projet de carte scolaire 2012. Ces derniers ont, au passage, obtenu l’élimination d’un certain nombre de fermetures de classes. Des mesures (lire encadré ci-contre) très attendues par les parents d’élèves, les enseignants et les élus locaux, qui avaient manifesté dans de nombreux endroits leur mécontentement et dont certains avaient fait le déplacement jusqu’à Colmar.

Les membres du CTSD s’étaient ensuite transportés au conseil général, pour y rejoindre les élus et les représentants des parents d’élèves, pour une session dont on n’attendait, à vrai dire, que des modifications à la marge, de celles que l’insistance d’un élu, directement concerné, parvient parfois à arracher.

Sans surprise, l’intersyndicale avait demandé un vote, qu’elle entendait transformer en rejet sans équivoque du plan académique. Car, estimait notamment Mme Tolle, « l’inspectrice d’académie n’avait accepté de revenir sur aucune fermeture de Rased, ni de postes d’animateur réseau, pas davantage qu’elle n’avait d’accepté des ouvertures de postes, notamment dans des dispositifs Éclair, même lors que les seuils le permettaient ».

La surprise, pour les personnels de l’Éducation nationale, rejoints par les parents d’élèves de la FCPE et de l’Apepa, elle viendra de la réaction unanime des élus, qui ont renchéri, emmenés par un Jean-Jacques Weber et un Christian Chaton particulièrement virulents… et, par ailleurs, eux-mêmes concernés, directement, par certaines conséquences de la carte scolaire.

Résultat du vote, complètement inattendu dans cette enceinte : 22 votes contre les propositions de l’inspection d’académie, deux abstentions (la Peep) et une non-participation, celle de M.Dirrig.

Devant ce résultat et la furia des élus, le préfet sortait alors une « botte secrète » : d’ici au prochain CDEN, en juin, a-t-il « proposé », on rediscuterait de tout cela avec les élus concernés. Sur demande de M. Chaton, parents et représentants du personnel seraient toutefois invités à participer…

Mme Savouret n’a pu que rappeler que, pour sa part, elle avait « une commande du ministère » : 36 fermetures de classe et 72 postes hors-classe à rendre . « L’enveloppe ne bouge pas. » Reste que, dans l’immédiat, l’inspectrice devait s’incliner devant la décision du représentant de l’État dans le département.

Jean-Marie Koelblen, de la FSU, et également présent au CDEN, fait, pour sa part, une lecture politique d’un événement, qu’on peut effectivement penser très influencé par le contexte préélectoral. Tandis que sa collègue du Sgen-CFDT déplore que le politique prenne le pas sur l’éducation, il voit un côté positif à la chose : « Les élus ont vraiment besoin de connaître les conséquences d’un vote du budget : ils verront que ce n’est pas si facile de gérer la misère. » Car, clairement, ce sera le même budget, dans sa part allouée à l’académie et au département, que ces élus, souvent membres de la majorité gouvernementale, devront se disputer, pour donner satisfaction à leurs électeurs.

le 22/02/2012 à 05:00 par Luc Marck

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