Assises de la langue et de la culture régionales

Défendre l’apprentissage de l’allemand, un cas d’école

Des élèves de Strasbourg et de Kehl, chantant les « Trois brigands ». Photo Dominique GutekunstDes élèves de Strasbourg et de Kehl, chantant les « Trois brigands ». Photo Dominique Gutekunst

Les travaux des assises du bilinguisme pointent que l’enseignement de la langue de Goethe doit être renforcé.

Outre être de moins en moins nombreux, les travailleurs transfrontaliers sont de plus en plus âgés : au-delà de 40 ans en moyenne. Les jeunes Alsaciens rechigneraient en effet à passer le Rhin pour « une question d’image » , a déploré, hier, Pascale Schmidiger, la vice-présidente (UMP) du conseil régional et rapporteure de l’atelier Emploi & formation des assises du bilinguisme.

21 000 écoliers en classe paritaire

Malgré un taux de chômage deux fois moins élevé dans le Bade-Wurtemberg qu’en France, le pays d’Angela Merkel serait pour nombre d’entre eux synonyme « de précarité de l’emploi et des salaires ». « Les jeunes trouvent aussi moins rock’n roll d’aller travailler en Allemagne qu’en Angleterre ou aux États-Unis. Enfin, ils sont pénalisés par la perte du dialecte et un déficit de maîtrise de la langue allemande » , suggère-t-elle.

Si des initiatives visant à renforcer l’enseignement de l’allemand existent, force est de constater qu’elles ne sont pas suffisantes. Exemple, dans le cadre d’une convention portant sur la période 2007-2013, le rectorat et les collectivités territoriales alsaciennes s’étaient fixé pour but d’atteindre le cap des 20 % d’enfants scolarisés en maternelle ou en primaire dans une classe paritaire bilingue. Aujourd’hui, seuls 21 000 écoliers, soit 12 % des effectifs, bénéficient d’un tel enseignement comprenant douze heures dans la langue de Molière et autant dans celle de Goethe.

« L’objectif des 20 % de la convention est atteint à 73 % en cette rentrée et même à 93 % si l’on compte les enfants qui ont arrêté [ce cursus] entre la maternelle et la fin du CM2 » , tempère Francis Goullier, inspecteur général de l’Éducation nationale. Les causes de ces défections sont multiples, selon lui, à l’instar de craintes ou de désinformation des parents et d’un manque de structures dans certaines zones territoriales.

Abibac professionnel

« Pourquoi depuis 15 ou 20 ans, lorsque des parents veulent créer une section bilingue, c’est un parcours du combattant ? Passons à une politique de l’offre offensive » , a clamé, hier, Claude Froelicher au nom de neuf associations de parents d’élèves. Qu’y a-t-il de plus démocratique qu’autoriser un enfant à suivre ou pas un enseignement bilingue ? Il n’y a pas d’obligation. » À ses yeux, cette possibilité n’a donc rien à voir avec « de l’élitisme » , comme l’avait insinué l’ancienne rectrice, Armande Le Pellec Muller, lors de tentatives de remise en cause du système paritaire.

Nommé au début du mois, son successeur Jacques-Pierre Gougeon a martelé, hier, son attachement à « l’apprentissage précoce de l’allemand ». « Nous allons donc continuer à ouvrir des classes d’enseignement bilingue paritaire… » Germaniste de formation, le recteur a également promis de se pencher sur le dossier des Abibac. Quelque 1 220 élèves suivent cette filière dans 15 lycées alsaciens. Problème, elle ne concerne pas la voie technologique. « La création d’un Abibac professionnel mérite d’être concrétisée » , admet Jacques-Pierre Gougeon en rappelant qu’un « projet est déjà en gestation ».

Des profs des deux côtés du Rhin

Si le problème des formations doit être pris à bras-le-corps, celui de l’embauche des enseignants doit aussi être étudié, expliquent concluent les participants de l’atelier Éducation. « Lors du concours pour l’enseignement de l’allemand en primaire, nous avons régulièrement plus de postes ouverts que de candidats. Dans le secondaire, c’est la même chose. Nous avons besoin de professeurs » , témoigne l’inspecteur général Francis Goullier. « Nous allons donc proposer de nouvelles pistes pour renforcer le recrutement de professeurs de compétences linguistiques nécessaires » , annonce Jacques-Pierre Gougeon.

Sous couvert de ses anciens postes, de chef de la mission éducative en Allemagne et de conseiller du Premier ministre Jean-Marc Ayrault, le recteur entend « multiplier les contacts avec les autorités allemandes pour favoriser la mobilité des enseignants des deux côtés du Rhin et ainsi lever les difficultés administratives ». Il y aurait un millier d’enseignants sans emploi au Bade-Wurtemberg. Les projets devraient être partiellement clarifiés, au plus tard au printemps lors de la présentation des axes de la politique du rectorat, pour la rentrée 2014-2015.

L’ALSACE du 17/10/2013 à 05:00 Philippe Wendling

Bilinguisme : le recteur s’engage

Le recteur Jacques-Pierre Gougeon et le président Philippe Richert avant l’ouverture des Assises.  PHOTO DNA – J.-Ch. DORN

Le recteur Jacques-Pierre Gougeon et le président Philippe Richert avant l’ouverture des Assises. PHOTO DNA – J.-Ch. DORN

Jacques-Pierre Gougeon, nouveau recteur de l’académie, a promis d’ouvrir de nouvelles classes bilingues paritaires et de chercher des enseignants outre-Rhin.

« Nous allons continuer d’ouvrir des classes bilingues paritaires ; c’est un véritable modèle ! » Jacques-Pierre Gougeon n’a pas hésité, hier matin, en ouverture des 1eres Assises de la langue et de la culture régionale, à s’affirmer résolument en faveur de l’enseignement bilingue. « Allons plus loin ensemble ! » a proclamé le nouveau recteur à Strasbourg devant les participants – nombreux – à la journée de restitution des travaux menés depuis plus d’un an à l’initiative de la Région Alsace.

Le recteur a, de plus, annoncé la création prochaine d’Abibacs-Pro – donc de doubles diplômes franco-allemands valant baccalauréat et Abitur, sur le modèle de l’Abibac général.

Le sérieux problème des « abandons » en filière bilingue

Il a aussi indiqué que pour « sécuriser le recrutement des professeurs », il allait prendre contact avec les Lander allemands et avec d’autres académies françaises. Il n’a fait aucune allusion à l’expérimentation controversée de son prédécesseur, Armande Le Pellec-Muller, proposant une filière avec huit heures seulement d’allemand, qui existe actuellement sur trois sites.

Ce discours engagé a été suivi d’une synthèse plus feutrée de l’atelier Éducation de ces Assises. L’inspecteur général de l’Éducation nationale Francis Goullier, son rapporteur, a reconnu que les objectifs de la convention quadripartite (État-Départements-Région) 2007-2013 n’avaient pas été atteints. Mais, a-t-il estimé, ils le seraient à plus de 90 % si les classes bilingues paritaires ne connaissaient pas un sérieux problème d’abandons. Ses causes, a-t-il noté, sont mal connues et ne tiennent pas qu’à la discontinuité géographique entre école et collège.

« Quand l’offre existe, une famille sur deux l’accepte ! » a rétorqué Claude Froelicher, au nom du collectif d’associations concernées. « Or une école sur cinq seulement en propose. » Il a rappelé « le parcours du combattant » pour faire ouvrir une classe et s’est demandé pourquoi « les initiatives de l’Éducation nationale étaient [jusqu’ici ?] systématiquement régressives ».

Alsacien et allemand

Ce débat – le plus vif – n’était qu’un pan de ces Assises. Elles ont aussi planché sur la langue régionale dans la formation et l’emploi, dans la vie culturelle, dans la vie sociétale et sur le plan juridique.

Philippe Richert, président (UMP) du conseil régional, avait tenté de déminer l’éternel débat sur la définition de la langue régionale : « L’alsacien aussi bien que l’allemand appartiennent à la culture de l’Alsace ». Il n’a pu empêcher des échanges tendus entre ceux pour qui l’allemand est notre langue et ceux qui mettent plutôt l’accent sur un dialecte à sauver.

Les travaux des Assises seront publiés, a indiqué Philippe Richert. Et, au printemps prochain, un train de mesures concrètes devrait être annoncé et mis en œuvre, a-t-il promis.

DNA du 17/10/2013
BILAN DES ASSOCIATIONS  [dm]179[/dm]

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