Cacophonie autour du bilinguisme en Alsace

L’enseignement bilingue existe depuis 1995 en Alsace et en Moselle. Mis en place dans les maternelles, il s’étend à l’enseignement secondaire en 2003, lorsque les enfants des petites sections de maternelles de 1995 ont l’âge d’entrer au collège.
En Alsace, une association de défense du bilinguisme déplore le non-respect du principe des classes bilingues promises par l’Etat en 2007. Deux recours déposés par cette association ont été examinés par le tribunal administratif de Strasbourg. En attendant le délibéré, qui devrait être connu dans une dizaine jours, la controverse enfle.
“Pourquoi vouloir ouvrir des classes bilingues alors que la demande est quasi-inexistante?”, se demande le proviseur d’un lycée alsacien. Pour lui, le sujet est bien plus politique qu’ancré dans la réalité.
La question n’a pas lieu d’être pour Maître Pierre-Etienne Rosenstiehl, l’avocat du Comité fédéral pour le bilinguisme, l’association à l’origine des recours contre le rectorat examinés mercredi matin au tribunal administratif de Strasbourg: “Peu importe que les élèves ne soient pas nombreux, ils existent. Le rectorat doit respecter le devoir de continuité du service public.”
L’association demande l’ouverture d’une classe bilingue en bonne et due forme dans le lycée de Barr. La convention sur le bilinguisme, signée en 2007 par l’Etat et les collectivités locales, prévoit le doublement des effectifs scolarisés dans les sections bilingues avant 2013.
L’enseignement bilingue existe depuis 1995 en Alsace et en Moselle. Mis en place dans les maternelles, il s’étend à l’enseignement secondaire en 2003, lorsque les enfants des petites sections de maternelles de 1995 ont l’âge d’entrer au collège.
Qu’est-qu’une classe bilingue?
Une classe bilingue doit réaliser la moitié de ses enseignements en français et l’autre moitié en allemand (dans le cas de l’Alsace-Moselle). Une classe dite “section européenne” a pour caractéristique de posséder plus d’heures de langue que la filière classique.
“Le collège de Barr fait alors partie des établissements chargés d’assurer cette continuité, explique Maître Rosenstiehl. Mais en 2007, lors du passage de ces collégiens au lycée, le proviseur a informé les parents que l’enseignement bilingue n’existerait pas au lycée de Barr.”
A l’époque, le rectorat propose aux élèves de s’inscrire au lycée Henry Meck, à Molsheim (situé à environ 20 kilomètres du collège de Barr), pour suivre un enseignement bilingue. Ce lycée, à l’entrée très sélective, refuse les dossiers de plusieurs élèves.
Les parents décident donc de déposer un premier recours contre le rectorat: “Ils ont eu gain de cause le 24 février 2009. La décision du recteur de transférer la classe bilingue d’un lycée à un autre a été annulée, commente l’avocat de l’association. Malheureusement, le 26 juin dernier, ils apprenaient que la classe bilingue du lycée de Barr serait une supercherie, d’où les deux derniers recours examinés ce mercredi.”
Le lycée de Barr a en effet choisi d’intégrer les anciens collégiens de la classe bilingue à la section européenne du lycée (voir encadré), en ajoutant simplement deux heures d’allemand supplémentaires au programme. “Rien à voir avec du bilinguisme!”, s’exclame Maître Rosenstiehl.
Du bricolage
L’enseignement bilingue existe-t-il réellement en Alsace? La réponse du proviseur du lycée alsacien est sans détours: “Il n’existe absolument pas! Certains lycées se targuent de posséder une classe bilingue mais, en réalité, c’est du bricolage! On n’a de toute façon pas les moyens de concrétiser ce genre d’enseignement.”
Aux yeux du proviseur, trois problèmes majeurs empêchent la mise en place du bilinguisme dans les lycées: la pénurie de moyens, alors que le rectorat subit de nombreuses restrictions budgétaires; un nombre insuffisant de professeurs capables de dispenser des cours bilingues; mais aussi trop peu d’élèves intéressés par la filière.
“On ne peut pas créer une classe bilingue pour 8 élèves alors qu’ils sont 35 dans les sections classiques”, argue-t-il. Ces arguments ont composé la défense du rectorat mercredi matin devant le tribunal administratif de Strasbourg. “Le rectorat a également assuré que le Comité fédéral pour le bilinguisme n’était pas habilité à poser un recours”, s’amuse Maître Rosenstiehl. Le délibéré sera rendu sous une dizaine de jours.

L’express Par Adeline Grosjean, publié le 27/08/2009 19:16 – mis à jour le 28/08/2009 09:58

—-

Soutien sans réserve aux demandes des parents du collège de Barr
L’APEPA demande de ne pas tomber une fois de plus dans le vortex linguistique de l’Education Nationale. En effet, il a été constaté à maintes reprises ces dernières années que les services de l’Académie ne savent pas anticiper à bon escient les besoins essentiels d’un enseignement de qualité de l’Allemand durant toute la scolarité.
Pourtant, dans le domaine de l’enseignement de l’Allemand comme dans d’autres domaines, les parents d’élèves demandent tout simplement le droit à la continuité de service et à l’égalité de traitement de la maternelle à la Terminale et ceci du nord au sud de l’Alsace, comme cela leur a été promis lors de l’inscription de leurs enfants.
Aujourd’hui de manière incontestable, toutes les instances régionales, les chambres de commerces et d’industrie, les partenaires économiques et associatifs impliqués dans la vie régionale, tous relayent la demande légitime des parents d’élèves qui ont fait le choix de l’enseignement bilingue. Face à cela, les tergiversations et les tracasseries de l’Education Nationale semblent fondées sur la crainte de faire jurisprudence une fois de plus et paraissent donc d’une autre époque.
C’est pourquoi, l’APEPA demande de prendre en considération la demande des parents d’élèves de Barr dès la rentrée scolaire de septembre 2009.

Elargir les formations ABIBAC pour en faire une des suites logiques de l’enseignement bilingue
L’APEPA ajoute que, devant l’urgence de la situation linguistique régionale, le système éducatif alsacien doit évoluer vers un nombre plus important de sections ABIBAC accessibles à tous et dans toutes les filières.
Cet enseignement débute en classe de Seconde et se poursuit jusqu’en Terminale. Dans les établissements d’enseignement général et technologique qui proposent déjà cette possibilité, il est possible de faire des baccalauréats dans des filières tant Scientifique, qu’Economique et Social ou Littéraire.
En délivrant simultanément l’ABITUR et le BACCALAUREAT, la filière ABIBAC est actuellement la « seule filière bilingue diplômante reconnue » car elle ouvre effectivement la porte aux études supérieures dans les universités des deux plus grands pays de l’Union Européenne que sont la France et l’Allemagne.
C’est pourquoi, l’APEPA pense qu’aucune autre filière ne valorise mieux une scolarité bilingue de la maternelle à la Terminale que la filière ABIBAC.
Cependant, à l’heure actuelle, la filière ABIBAC est réservée à une élite triée sur le volet. En principe tous les élèves, qu’ils soient bilingues ou non, peuvent y accéder. En pratique, les collèges établissent une liste d’élèves « aptes » et une concertation de gré-à-gré se fait avec les proviseurs du lycée d’affectation.
Dans le jargon de l’Education Nationale, l’ABIBAC n’est pas un « enseignement de détermination ».

Traiter la filière ABIBAC comme toutes les autres filières de détermination
En effet, à défaut d’être « un enseignement de détermination », il n’y a pas actuellement de traitement informatique des vœux des élèves, comme c’est le cas pour dans l’orientation des élèves en fin d’année de troisième. Cette pratique, qui s’apparente à un véritable « numérus clausus », empêche de révéler au grand jour une demande bien plus importante d’élèves issus des classes bilingues que le nombre de places disponibles dans les trop rares classes ABIBAC.
L’Education Nationale sait pourtant évaluer le « taux de pression » pour corriger le nombre de classes nécessaires lorsqu’il s’agit des filières professionnelles (comme par exemple un CAP coiffure), ou lorsqu’il s’agit des filières d’enseignement général et technologique (comme par exemple un BAC Maths-Physiques-Informatique).
D’après les remontées d’information des parents d’élèves qui ont sollicité l’APEPA, le taux de pression en seconde ABIBAC est actuellement suffisant pour demander la généralisation des sections ABIBAC dans tous les lycées d’Alsace et surtout pour qu’il soit mis en place une véritable égalité de traitement des vœux pour cette filière dans toute notre Académie.

Il est temps pour l’Académie de Strasbourg de se démarquer du reste de la France et de révéler au Ministre de l’Education Nationale le formidable gaspillage de compétences et de prédispositions linguistiques des élèves d’Alsace.

Appel à la concertation
Enfin, l’APEPA fidèle à ses valeurs de tolérance, rejoint B.STOESSEL et demande que la relation entre les parents et l’administration ne s’engage pas systématiquement vers la confrontation. Elle demande une concertation sans délai pour que cesse l’opposition entre continuité pédagogique et principes administratifs !

Thierry LOTH
Président

Commentaires fermés.