Il ne serait pas scandaleux d’allonger l’année scolaire d’une, voire de deux semaines

C’est aujourd’hui la rentrée des enseignants. Le ministre de l’Education revient sur cette rentrée et sur les rythmes scolaires. Il est notamment favorable à un allongement de l’année scolaire «d’une voire deux semaines». Interview de Vincent Peillon par des journalistes de l’Association des Journaux de l’Est de la France (ADJEF).

C’est aujourd’hui la rentrée des enseignants. Quel message souhaitez-vous leur délivrer?

Vincent Peillon : Je veux leur dire que l’école va redevenir ce qu’elle était: le plus important pour notre pays. Après des années où l’école et le savoir ont été malmenés, maltraités, notre responsabilité est de les refonder pour réconcilier les Français avec leur avenir.

Les postes créés seront-ils suffisants pour pallier les remplacements?

V.P. : Il y aura encore des tensions. On n’efface pas cinq ans et 77 000 suppressions de postes en trois mois. Mais nous avons tout mis en œuvre pour que la rentrée se passe bien. Et les engagements du président seront tenus: les 60 000 postes seront créés d’ici à la fin du quinquennat. Dès la rentrée 2013, nous compenserons intégralement les 22 000 départs à la retraite prévus, et nous créerons 10 000 postes supplémentaires.

Les enseignants sont mal payés et n’ont plus la défiscalisation des heures supplémentaires…

V.P. : Dire que les professeurs ne sont pas assez rémunérés est une vérité objective. Mais les enseignants ne sont pas coupés du monde. Ils connaissent le contexte de crise budgétaire que traverse la France. La refiscalisation est une mesure juste, au bénéfice de l’emploi, et qui ne touchera que modestement le pouvoir d’achat des enseignants.

Le chantier des rythmes scolaires n’a jamais abouti. Y parviendrez-vous?

V.P. : Je suis le ministre des élèves, j’ai la responsabilité de leur intérêt. Un pays se grandit à faire un choix d’intérêt général au-dessus des intérêts particuliers. Notre pays est celui qui donne le moins de temps à ses enfants pour apprendre. Et Xavier Darcos l’avait encore diminué: 144 jours par an, 40 jours de moins que nos voisins.

Vous n’excluez donc pas d’allonger l’année à 180 jours?

V.P. : Je vois une convergence se dessiner en faveur de la semaine à 4 jours et demi en réintroduisant le mercredi matin. C’est incontournable pour une meilleure répartition des heures et un allègement de la journée. 6 heures de cours pour un CP, cela n’a pas de sens!

Mais bien sûr, il n’est pas question de renvoyer les enfants à la maison à 15h30. Il faudra articuler le temps scolaire et le temps éducatif qui peuvent être consacrés au sport, à la culture, aux langues, aux devoirs faits à l’école. Cela a un coût: il faudra que nous mobilisions plusieurs sources de financement, et non pas seulement celle de l’Etat. Il ne serait par ailleurs pas scandaleux d’allonger l’année scolaire d’une voire de deux semaines pour tendre vers un rythme de sept semaines de travail et deux semaines de congés. Tout cela est débattu dans la concertation.

La réussite des élèves passe-t-elle forcément par la réforme des rythmes scolaires?

V.P. : Oui. Nous laissons des enfants plus de 200 jours par an hors de l’école, et certains sont dans des environnements sociaux et culturels difficiles. C’est là que cela se joue.

Y a-t-il une école à deux vitesses?

V.P. : Absolument. Et la situation s’est aggravée. Ne pas bien préparer tous les élèves au monde de demain va nous coûter très cher. Socialement, mais aussi économiquement. Il faut forcer notre pays à considérer d’abord l’intérêt des élèves, et nous avons besoin de la réussite de tous.

Etes-vous partisan de supprimer les notes?

V.P. : Evitons les débats stériles. Je ne suis pas partisan de leur suppression, mais il faudra faire évoluer la notation pour que les élèves aient plaisir à progresser et à apprendre. Notre système actuel produit trop de stress et d’échec.

Nicolas Sarkozy vantait l’école du mérite. Êtes-vous d’accord avec lui?

V.P. :J’ai toujours été attaché au mérite. Ce qui a choqué, c’est qu’en réalité, Nicolas Sarkozy a favorisé non pas le mérite, mais l’héritage.

Pourquoi vouloir réintroduire des cours de morale à l’école?

V.P. : Je suis très frappé que notre société ne défende pas plus fortement ses valeurs essentielles. La laïcité ne se confond pas avec la tolérance qui tendrait à faire croire que tout se vaut, ce qui conduit au relativisme et au scepticisme. Il y a le bien et le mal, les droits et les devoirs, ce qui est juste et ce qui ne l’est pas.

La République doit prendre en charge les valeurs. Or, qui mieux que l’école pour s’en saisir? Je vais confier une mission de réflexion à des sages courant septembre, mais ma conviction est que la morale laïque doit être enseignée à tous les élèves de France.

par Propos recuillis par Nathalie Mauret et Philippe Rivet pour l’Association des Journaux de l’Est de la France (ADJEF), publié le 02/09/2012 à 19:29

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