Emploi/Langues : En mal de bras, Freiburg lorgne sur les Alsaciens

« Regardez cette carte, lance tout de go Boris Gourdial dans un français impeccable, confortablement installé derrière son bureau de Geschäftsführer, au cinquième étage de l’immeuble de l’Agentur für Arbeit [N.D.L.R. : l’équivalent allemand de Pôle Emploi] de Freiburg-im-Breisgau. Vous voyez ce demi-cercle autour de Freiburg, qui englobe Emmendingen au nord et Müllheim au s ud ? C’est notre zone de compétence. Et puis il y a environ un an, nous nous sommes dit qu’au lieu de ce demi-cercle qui s’arrête contre le Rhin, il fallait considérer le cercle entier qui inclut aussi Sélestat, Colmar et Mulhouse. Bien entendu, il y a la barrière linguistique, mais nous n’en faisons pas moins partie de la même zone économique. Prenez simplement l’exemple de PSA-Mulhouse : l’usine compte plusieurs fournisseurs importants installés chez nous. Voilà ce qui fait qu’avec Pôle Emploi, nous avons une responsabilité commune. »

En France, vous n’avez pas nos soucis démographiques.

Ce discours en surprendra peut-être quelques-uns, mais ce ne sont pas que des mots, loin s’en faut.

Depuis six mois, Boris Gourdial siège même au conseil d’administration de la Maison de l’emploi et de la formation du pays de la région mulhousienne (Mef). Le lieu idéal pour faire passer un message qui lui tient particulièrement à cour : « Les Alsaciens ne sont pas assez conscients des opportunités professionnelles qui s’offrent à eux chez nous. Vous avez un chômage élevé ? Ici, il est de 4,5 %. En revanche, en France, vous n’avez pas de soucis démographiques et j’en suis content pour vous. Chez nous, dans certains Landkreiss ruraux, comme à Achern, on estime que la proportion de jeunes âgés de 16 à 18 ans a chuté de 30 % en quatre ans ! »

Conséquence quasi mécanique : dans plusieurs corps de métier (restauration-hôtellerie, métiers de bouche, mais aussi services à la personne, industrie métallurgique, électronique de précision, etc.), il est d’ores et déjà problématique de pourvoir certains postes vacants , et comme les chiffres sont têtus, le problème n’est pas près de disparaître. Au contraire : « Si on ne peut plus former des jeunes, il faut donc se tourner vers d’autres personnes. Par exemple les Alsaciens. Certains commencent à venir, mais vraiment petit à petit. » Attention tout de même : « Il ne s’agit pas de faire venir chez nous tous vos demandeurs d’emploi alsaciens, mais d’agir de façon concertée, entre Pôle Emploi, la Mef et nous. »

« Nous organisons déjà des ateliers d’information, à raison d’une ou deux fois par mois, à l’intention de demandeurs d’emploi haut-rhinois, poursuit Boris Gourdial. Et depuis peu, nous échangeons aussi des informations dans les deux sens : nous faisons parvenir à Pôle Emploi des offres de recrutement et ils nous transmettent des profils de personnes en recherche d’emploi. Trop peu d’entre elles savent par exemple que les CAP et brevets professionnels sont reconnus chez nous. »

Tout irait-il donc pour le mieux au sein de la meilleure coopération franco-allemande possible ? Pas tout à fait. La faute, sans surprise, à une baisse régulière de la germanophonie de ce côté-ci du Rhin. Un obstacle que Herr Gourdial ne sous-estime pas, mais qu’il tâche de relativiser : « Le vocabulaire technique propre à un métier – par exemple dans l’industrie – n’est pas si compliqué que cela à mémoriser. Et en tout cas, si j’avais en face de moi un demandeur d’emploi français, je lui dirais d’aller à Pôle Emploi pour demander à bénéficier d’une aide pour apprendre l’allemand. Il faut que tout le monde élargisse sa vision et s’affranchisse de ses barrières mentales. »

En somme, ne plus penser « demi-cercle », mais « cercle » tout court.

E.D.

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