L’insoutenable médiocrité de la lecture à l’école

Si ce n’était une solide étude internationale, on pourrait croire que l’enquête Pirls a été commandée par le ministre de l’éducation nationale pour justifier sa politique. Et pour répondre à tous ceux qui s’affolent ou s’insurgent de voir le gouvernement déverser tant de milliards dans le tonneau des Danaïdes de l’école et recruter des enseignants par dizaines de milliers.

Vous avez dit Pirls ? Il s’agit du Programme international de recherche en lecture scolaire, coordonné tous les cinq ans dans 45 pays, dont 23 européens, par l’Association internationale pour l’évaluation des performances éducatives. Les résultats de sa dernière livraison viennent d’être rendus publics.

Lire : Alerte sur le niveau en lecture des élèves français (édition abonnés)

Que révèle-t-elle, cette enquête ? Que les élèves français âgés de 10 ans maîtrisent moins bien la lecture que la moyenne des écoliers européens du même âge. Et que, sur plusieurs points, leurs performances se sont dégradées depuis une décennie. Plus préoccupant encore : ce ne sont plus seulement les élèves des zones d’éducation prioritaire, les moins favorisées, qui tirent le niveau général vers le bas – tous les établissements sont touchés, et même le groupe des très bons élèves enregistre des résultats médiocres et en recul par rapport à la moyenne européenne.

Centrée sur la maîtrise de la lecture, qui est la clé de tous les apprentissages scolaires, cette enquête confirme d’autres évaluations internationales (comme l’enquête PISA de l’OCDE) ou nationales. Elle donne tout son sens à l’exposé des motifs du projet de loi d’orientation et de programmation auquel Vincent Peillon, le ministre de l’éducation nationale, met la dernière main : “Faire en sorte que tous les élèves maîtrisent les compétences de base en français et en mathématiques en fin de CE1, et les instruments fondamentaux de la connaissance en fin d’école élémentaire.”

Cela paraît une évidence. Mais en faire un objectif témoigne que ce n’est pas la réalité. On le sait, en effet, depuis belle lurette, et chaque enquête le confirme : de l’ordre de 20 % des élèves n’ont pas, à l’entrée au collège, une maîtrise suffisante du français pour y réussir leur scolarité, ainsi qu’au lycée.

Or ce n’est pas une fatalité, comme le démontre, notamment, l’exemple des Etats-Unis, bien évalué par Pirls. Depuis 1997, la lecture y est devenue un combat national. A cette date, le Congrès a mis en place une commission chargée de faire la synthèse de toutes les recherches scientifiques sur l’apprentissage de la lecture, d’identifier les méthodes les plus efficaces et d’établir un plan de bataille, le National Reading Panel, qui a sensibilisé de nombreux Etats de l’Union. Résultat : les écoliers américains ont nettement amélioré leurs performances en lecture depuis dix ans.

Si la France veut sérieusement refonder son école, il est donc urgent qu’elle sorte de ses vieilles querelles (entre méthode syllabique et globale, par exemple), qu’elle adopte une approche plus scientifique et tire profit des expériences convaincantes mises en oeuvre à l’étranger. Le chef de l’Etat a fait de l’éducation, et en particulier de l’école, une priorité nationale : au-delà des moyens, indispensables, cela suppose des méthodes, efficaces.

Le Monde 12/12/2012

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