Le bilinguisme en péril ?

Les élèves de l’école ABCM intégreront leur nouveau site de Kappel, à la rentrée. Mais plusieurs familles se sont tournées vers Sélestat, affirmant n’avoir trouvé aucune solution de transport. Photo – archives DNA – F.Delhomme

Une ordonnance du tribunal administratif oblige le maire de Sélestat, Marcel Bauer, à accorder l’accès à l’enseignement bilingue sélestadien à plusieurs enfants scolarisés à ABCM. Pour lui, cette décision met le bilinguisme en péril, dans la mesure où elle pourrait entraîner une saturation des effectifs en cas de phénomène boule de neige (lire aussi en page région).

Cette décision me révolte ». Marcel Bauer n’en démord pas. « J’ai toujours été favorable au bilinguisme, et Sélestat se fait fort d’être un modèle dans ce domaine. Mais je ne peux pas accepter le fait que le contribuable sélestadien participe au financement d’un dispositif dont bénéficieront désormais des familles qui ne versent aucune contribution à Sélestat. »

Lorsque l’école privée bilingue ABCM a décidé de s’implanter à Kappel, en Allemagne, suite à la fermeture de son site de Bindernheim, l’association gestionnaire, Les Miselas, a tenté de mettre en œuvre des moyens (notamment logistiques) pour assurer la continuité de cet enseignement. Malgré cela, plusieurs familles, affirmant ne pas pouvoir maintenir leurs enfants à ABCM se sont tournées vers d’autres sites bilingues, notamment Sélestat (DNA du 16 juin). Et se sont heurtées au refus du maire.

« Ces trois familles, installées à Hilsenheim et Schwobsheim, n’ont aucun lien avec Sélestat. Je ne vois donc pas pourquoi la municipalité leur accorderait une dérogation, d’autant plus que nous ne disposons pas de capacité d’accueil suffisante, vu la demande sélestadienne », justifie Marcel Bauer.

« Nous risquons de devoir refuser des élèves sélestadiens »

Suite à ce refus, les familles concernées ont saisi le tribunal administratif de Strasbourg, en juillet. Par une ordonnance en référé datée du 16 août, le tribunal administratif a donné raison aux parents d’élèves et intimé au maire de réexaminer ces demandes.

« L’ordonnance du tribunal est basée uniquement sur le fait que nous aurions actuellement les capacités suffisantes pour accueillir ces trois élèves, en raison de la création d’une classe supplémentaire cette année », poursuit le maire, qui estime que cette décision met néanmoins en péril l’enseignement bilingue à Sélestat, en ouvrant la porte à d’autres sollicitations similaires, que la commune se verra contrainte d’accepter.

Au-delà de ces trois demandes, qui ne sont pas vraiment susceptibles à elles seules de chambouler l’enseignement bilingue, la municipalité redoute un éventuel effet boule de neige, d’autres familles pouvant décider de se tourner vers Sélestat pour des raisons pratiques, aux dépens d’ABCM. Et la ville ne pourra pas s’opposer à l’inscription de nouveaux enfants.

« Si les effectifs bilingues suivent la même évolution l’an prochain, nous risquons de devoir refuser des élèves sélestadiens, le tribunal administratif m’obligeant désormais à accepter les demandes extérieures de poursuite de scolarité bilingue. Cela pourrait mener à une saturation des effectifs, ce que je peux difficilement accepter : si l’an prochain, nous n’avons plus de place pour les enfants de nos contribuables, que ferons-nous ? ».

Marcel Bauer n’est pas le seul à s’inquiéter de l’ouverture de cette « boîte de Pandore ». L’association des Miselas, qui précise n’être aucunement l’instigatrice de ces demandes de dérogations, redoute un éventuel effet néfaste de cette décision. « D’autres parents risquent de s’engouffrer dans la brèche et nos classes pourraient se vider », redoute Françoise Naas, vice-présidente de l’association.

De son côté, Marcel Bauer n’envisage pas de faire appel de ce recours en référé, « pour des raisons humaines ». De toute façon, l’appel n’est pas suspensif : l’école Wimpfeling devra accueillir de facto ces nouveaux élèves, quelle que soit la suite donnée à cette ordonnance, qui est une décision provisoire devant être confirmée par un jugement, à terme. Et là, la municipalité envisage de se battre jusqu’au bout…

par Jf-Ott

Commentaires fermés.