Le Sénat pointe les problèmes de recrutement

L’Education nationale sera-t-elle capable de créer les 54 000 postes prévus dans la loi d’orientation ? Recevant F. Robine, directrice générale de l’enseignement scolaire, le 24 juin, la Commission des finances du Sénat en doute. Les sénateurs pointent le bas niveau des salaires des enseignants français et l’incapacité de l’Education nationale à recruter qui s’en suit. Cette éventualité ne fait pas peur à la majorité sénatoriale, plutôt partisane d’améliorer la “productivité” de l’Education nationale en diminuant le nombre d’enseignants…

Un peu plus d’une heure pour 60 milliards… C’est le temps mis par la Commission des finances du Sénat pour auditionner, le 24 juin, Florence Robine, directrice générale de l’enseignement scolaire, accompagnée de Guillaume Gaubert, directeur financier du ministère, sur le budget du Titre 2, celui des emplois, autrement dit 90% du budget de l’éducation nationale. Celle ci reste le premier employeur de l’Etat et ses dépenses de personnel représentent environ la moitié de celles de l’Etat. Enfin ce budget est contraint par la loi de programmation budgétaire. Il doit augmenter moins vite que l’inflation et chaque création de postes doit être compensée par une suppression dans un autre ministère.

Des indicateurs insincères

“L’exécution 2014 est satisfaisante”, estime Gérard Longuet , rapporteur pour la commission des finances, ce qui veut dire que le ministère dépense les crédits qui ont été votés. Voilà pour les compliments car l’opposition, majoritaire au Sénat, a à la fois des questions et des réclamations à faire.

Ce qui énerve le plus les sénateurs c’est rien moins que le manque de sincérité du budget. Les 90 000 emplois d’assistants d’éducation ne figurent pas au budget de l’éducation nationale. C’ets une demande constante du Sénat de les y inscrire mais l’Education nationale avance des arguments juridiques pour garder la main sur ces postes. Beaucoup plus sérieux, car touchant aux insuffisances du ministère, les indicateurs sur le remplacement des enseignants sont considérés comme insincères. Ainsi, Michel Bouvard “ne se satisfait pas comme parlementaire d’un indicateur qui exclut la moitié des absences”. Il parle d’opacité. En effet l’indicateur ministériel change régulièrement ce qui empêche d’avoir des séries statistiques crédibles. Et il ne compte que les absences de plus de 15 jours , au prétexte, donné par F Robine, qu’en dessous les établissements assument le remplacement. Autrement dit il ne porte que sur la moitié des absences…

Les 54 000 postes c’est tenable ?

Mais la grosse question c’est les postes. Reprenant les postes ouverts depuis 2012, G Longuet se demande comment le ministère va créer 34 000 postes d’ici 2017, soit 24 500 en 2016. “Est ce que c’est tenable ? ” Il souligne le spostes non couverts aux concours. Il pointe la sous réalisation des emplois dans le premier degré. Pour 2015, l’écart entre les postes mis au budget et les postes crées est conséquent : 1 077. “Le salaire d’un professeur débutant va bientot être rattrapé par le smic”, dit-il , citant Les Echos. Il souligne les écarts de salaire entre les enseignants français et ceux de l’OCDE. Jean-Claude Carle l’appuie. “Si on compare les salaires en France et en Allemagne on passe de 34 000 à 65 000 $”, dit-il. “Et le professeur français fait 924 heures d’enseignement quand un allemand en fait 782. Comment s’étonner qu’il y ait peu de candidats”.

F. Robine “ne conteste pas les écarts salariaux” mais rappelle les efforts réalisés avec l’ISAE, une prime versée dans le 1er degré,qui devrait rejoindre le niveau de l’ISOE (celle du 2d degré). “Le problème est surtout en début de carrière”, relativise-t-elle. Les 54 000 postes “restent un objectif essentiel, un engagement que nous nous astreignons à suivre même si cela a été difficile”.

Pour F Robine les difficultés de recrutement tiennent au fait que pendant longtemps il y a eu peu de postes. “quand on ferme la vanne pendant longtemps il est difficile de remettre la machine en route”. Mais elle a des signes positifs de reprise comme le concours spécial de Créteil avec 11 000 inscrits pour  500 postes.

Augmenter la productivité des enseignants

Mais l’idée des sénateurs c’est qu’on ne peut pas “faire du qualitatif et du quantitatif”. En embauchant de nouveaux enseignants, l’Education nationale s’empêche de les payer correctement. “Il y a un choix à faire” demande G Longuet. D’autant que pour lui les nouveaux salaires sont payés en partie par la réduction des heures supplémentaires (-3% par rapport à 2012-2013). Il demande une hausse de la “productivité ” en classe. L’idée est développée par Roger Karoutchi. “Le nombre d’élèves par classe est une aberration pédagogiste” dit-il. “On a davantage d’élèves par classe à l’étranger et de meilleurs résultats. Ne faudrait -il pas moins d’enseignants mais mieux payés ?”

Florence Robine rappelle qu’il faut des heures d’enseignement pour accueillir les nouveaux élèves, 30 000 par an dans le 2d degré par exemple.  “Pour moi l’efficience réside dans la qualité de la formation des enseignants.  Il faut des professeurs en nombre, en quantité et en qualité grâce à une bonne formation”.

Cet affrontement moucheté laisse de coté bien des questions. Combien d’enseignants démissionnent chaque année ? Où en sont les remplaçants ? Peut-on dire qu’on donne la priorité au primaire quand on ne remplit pas tous les emplois alors qu’on dépasse le plafond dans le second degré  ? A ces questions des sénateurs, pas de réponse. La question du devenir des Rased est aussi survolée par F Robine qui met en avant l’aide apportée par les maitres surnuméraires. “L’aide des Rased ne convient pas à tous les élèves” explique-t-elle. En une heure les difficultés réelles de l’Ecole sont noyées dans des généralités. Le budget 2015 est passé à coté…

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